La bande dessinée : Art reconnu ou média méconnu ?

La bande dessinée : Art reconnu ou média méconnu ?

Dans une bonne bande dessinée, quelle qu’elle soit, le dessin reste la cerise sur le gâteau. Aussi surprenant que cela puisse paraître, il est accessoire.

Anthony Jean

La Bande Dessinée c’est un médium avec une double nature : tant artistique que médiatique. Elle apparait en France dans les années 1950. Ce genre qui associe le dessin et les dialogues a évolué, brisant à travers le temps ses propres codes afin d’élargir son public et d’aborder une multitude de sujets. Je me suis basée sur un article publié par la revue Hermès, intitulé La Bande Dessinée art reconnu et média méconnu pour vous présenter une réflexion sur le rôle de la Bande Dessinée et sa place en société. Comme l’art visuel, la Bande Dessinée est une représentation subjective du monde. C’est un médium à la frontière de l’art et des médias. La BD est un art reconnu pourtant, on le considère aussi comme un média méconnu. Quoi qu’il en soit, c’est avant tout un réel support de communication de masse qui avait pour objectif premier d’informer. D’un point de vue économique, c’est un marché rentable et en pleine expansion : 320 millions d’euros, soit 6,5% des ventes de l’édition en 2009. En 2017, ce chiffre d’affaires atteint environ 510 millions d’euros. Sa réception auprès du public est intéressante : c’est un art invisible, qui demande la participation consciente du lecteur.

Une évolution artistique et médiatique parfois critiquée

La Bande Dessinée est héritière à la fois d’une histoire médiatique et culturelle, voilà sa spécificité. Il existe des albums très connus comme Les aventures de Tintin qui s’inscrivent dans les succès des BD franco-belges. Elles étaient publiées dans des revues périodiques, souvent hebdomadaires. A partir des années 1950, les maisons d’éditions développent un nouveau modèle économique en créant les albums de BD. Les répercutions de cette nouvelle méthode de diffusion sont importantes : la Bande Dessinée quitte les revues pour le support du livre.

Le développement de la Bande Dessinée américaine quant à elle est un peu différente. En 1930, elle est disponible sous la forme de Comics, qui sont des petits fascicules agrafés. Le modèle de publication est particulier, simple, facilement transportable et se développe réellement dans les années 1980. Notamment en 1992 lorsque, marquant l’opinion de l’Amérique entière, Maus de Spiegelman se voit attribuer le Prix Pulitzer jusqu’alors réservé aux écrits journalistiques. Cette reconnaissance déclenche alors la publication à grande échelle de Maus et d’autres romans graphiques par des éditeurs généralistes. L’histoire de l’évolution de la Bande dessinée est donc profondément liée au monde de l’édition et des médias.

Mais la BD avant d’être un moyen de communication est aussi une forme artistique. Comment la définir et où la positionner au sein des arts visuels ?

En premier lieu, c’est un art graphique narratif. Comme la peinture, ses origines remontent à la préhistoire, quand les premiers hommes retraçaient leurs chasses sur les murs des cavernes. Ensuite, c’est un art dit multi-cadre : c’est-à-dire qu’il s’articule autour de la répartition d’un ensemble d’images dans différents cadres distincts sur une même planche, afin de mieux raconter une histoire, en mélangeant texte et dessin. On parle d’ailleurs d’un art séquentiel mixte grâce à la mixité du texte et de l’image. Son origine peut remonter réellement en 1077 avec la tapisserie de Bayeux qui est considérée comme la première véritable BD de l’histoire.

Et puis, la BD, comme nous l’avons dit plus haut, c’est aussi un moyen de communication. Les publications sous forme d’albums sont le fruit du désir de regrouper et publier des planches déjà parues dans la presse. En réalité, c’est une réelle industrie culturelle. Dans l’histoire de la presse aux États-Unis, on parle d’un bras de fer entre deux grands hebdomadaires écrits. L’un appartenait à William Randolph Hearst et le second, à Joseph Pulitzer. Tout deux utilisent les comics, des petits formats de BD dans les journaux pour doper leurs ventes et fidéliser le plus de lecteurs possibles. En 1893, la première page en couleur apparaît dans le journal World, racheté quelques temps plus tôt par Pulitzer. Trois ans plus tard apparaît dans ce même journal un personnage, qui représente l’identité du journal, appelé Yellow Kid. Ce personnage est considéré comme le premier de la BD américaine. Le genre de la Bande Dessinée prend donc son essor dans le monde des médias. Puisque ce dernier est un instrument pour attirer un public toujours plus large et doper les ventes. Il existe aussi une forme de Bande dessinée dite de reportage. En tant que véritable source d’information, la BD reportage peut avoir deux origines remontant au XVIe siècle : les croquis de voyage et les gravures politiques anglaises. Au XXe siècle, ce genre s’ancre dans la tradition américaine du roman graphique et de la presse satirique des années 1970. La première BD reportage identifiée est Palestine, de Joe Sacco, éditée en France en 1996. Dans cette forme, la BD apparait réellement comme un outil d’information et de diffusion. L’accent est mis sur le style, le dessin et la qualité graphique du rendu final.

Pourtant, la Bande-dessinée utilise parfois des images stéréotypées. Elle choisit de transmettre une vision déjà présente dans la société. La BD s’adresse autant aux adultes qu’au enfants et elle utilise des références poétiques, littéraires, politiques : c’est un réel relais médiateur auprès du lectorat. Elle est témoin et créatrice d’une vision du monde qui existe dans les médias et dans la société.

Un média artistique de communication

Donc, la bande-dessinée apparait comme un art reconnu, mais reste un média méconnu. Elle est liée au milieu journaliste, avec l’explosion du genre du BD reportage. C’est un genre qui reprend le concept de l’enquête journalistique. Sa définition n’est pas encore réellement définie, elle reste poreuse. On parle de faits réels rapportés, mais aussi du point de vue subjectif du journaliste sur le terrain. Ce statut ambigu montre certaines tensions entre la figure du journaliste, qui doit prendre de la distance face aux événements et l’artiste engagé, qui s’y plonge et cherche à dénoncer des évènements décrits. 

Autre élément intéressant, la présence du dessinateur dans les planches.  La narration est complètement affirmée et assumée. Nous suivons le récit à travers les yeux du reporteur-dessinateur. L’acte de se représenter à une fonction testimoniale, cela permet de rappeler aux lecteurs qu’il s’agit de faits réels et vécu malgré la distance du dessin. La gestion du temps est très spécifique. Les ellipses narratives par exemple, permettent une exploitation plus large de la réalité et de la durée des événements. L’indépendance des reporteurs met en avant une immersion totale et réelle dans une société, sans montages et sans scènes coupées. 

Le recours au dessin instaure une distance naturelle avec le lecteur. On trouver des albums qui jouent avec ce procédé : les contraintes de temps lié à la réalisation d’un reportage s’adaptent à la réalisation de l’album, la temporalité est donc lente et progressive

C’est une voie non-conformiste qui se confronte à la réalité : la subjectivité est assumée, les moyens artistique et techniques sont variés. L’approche de témoins est beaucoup plus aisée, la parole se libère davantage. Le reportage consiste simplement à rapporter des faits dans la majorité des cas, la Bande Dessinée a choisit d’aller beaucoup plus loin.  

Au final, le genre de la BD puise ses origines dans les médias. Aujourd’hui, je peux par exemple faire des parallèles intéressants : le lien entre la Bande Dessinée et le monde des médias s’exprime de plusieurs manières. A travers la publication de petites planches de bande dessinée comme Le Chat, ou encore la caricature. la BD reportage est un genre nouveau que l’on peut qualifier d’hybride. Héritage de la caricature, de l’autobiographie, du journalisme, du roman graphique et de la Bande Dessinée d’histoire. En pleine expansion, le reportage dessiné informe d’une manière innovante et alternative. Le Moyen-Orient est un thème que j’ai pu retrouver très fréquemment dans ce genre : je pense que cela s’explique par l’actualité et par le besoin d’exprimer un point de vue sur les conflits du Moyen-Orient. Le médium offre un traitement intéressant, complet et novateur. C’est un nouveau moyen d’informer. L’une des dimension innovante, c’est la subjectivité et le travail de mémoire de l’auteur. Il met en avant un point de vue, une intention.

« Pour le meilleur et pour le pire, la bande dessinée est un médium inflexible, qui m’a obligé à faire des choix. De mon point de vue cela fait partie du message. »

Joe Sacco

Bibliographie & Sitographie

[Interview] SACCO Joe, Interview du 27 Janvier 2010
[Article] VAN VAERENBERGH Olivier, Quand la BD donne les clés pour comprendre le Moyen-Orient, 11 Novembre 2016
[Article] LESAGE Sylvain, La Bande dessinée, une nouvelle écriture de l’info, 18 Janvier 2017
[Livre numérique] DUFOUR Octave, La BD et le journalisme : entre grand reportage et autobiographie, Mémoire de master 2 Histoire sous la direction de Pascal Ory, HAL archives ouvertes, 2015
[Livre numérique] BOURDIEU Séverine, Le reportage en bande dessinée dans la presse actuelle : un autre regard sur le monde, 2012
[Livre numérique] DABITCH Christophe, Reportage et Bande dessinée, 2009
[Livre numérique] BJÖRN-OLAV Dozo, Note sur la bande dessinée de reportage, 2010