Anne Frank Video Diary : réinventer un classique de la littérature de jeunesse.

Anne Frank Video Diary :

réinventer un classique de la littérature de jeunesse

Depuis plusieurs années, on voit se multiplier les contenus culturels sur les réseaux sociaux. Entre autres, nous avons accès à des diffusions de lectures orales, en direct, en différé, en audio ou encore en vidéo. Ces types de médias nous permettent parfois de redécouvrir différemment des œuvres littéraires classiques. Aujourd’hui, j’aimerais parler « bouquin » avec vous, ou plutôt parler d’une de ces mutations de papier en pixels. Récemment, j’ai fait une nouvelle trouvaille sur la toile, et pour vous la présenter convenablement, il est nécessaire de vous partager auparavant une petite anecdote.

Vous ne le savez pas et je vous l’apprends : j’ai une petite sœur, Lola, qui a quinze ans. Une adolescente pleine d’énergie qui connaît les réseaux sociaux sur le bout des doigts, mais qui ne s’intéresse à la culture que sous la contrainte pour ses devoirs de littérature. C’est d’ailleurs bien pratique pour elle de m’avoir à disposition. Dès qu’elle rencontre des difficultés, un coup de téléphone et hop ! En deux temps trois mouvements, le plan de la dissertation est fait. En revanche, il y a une chose sur lequel je refuse de lui apporter mon aide : la lecture. Et oui ! Quand son enseignant de littérature lui donne un livre à lire, et que cette jeune fille essaie, par tous les moyens, de me soudoyer pour que je lui en fasse un résumé détaillé, c’est un non. Et il est catégorique.

Il y a six mois, environ, elle avait pour mission de découvrir le Journal d’Anne Frank, l’œuvre au programme de son troisième trimestre. Détestant la lecture, elle a tenté d’esquiver, tant bien que mal, ce désagréable moment. Mais rapidement, elle s’est retrouvée coincée et ne disposait plus d’autre choix. Elle l’a lu ce livre. Enfin, je dirais plutôt « survolé », mais elle l’a fait. Elle s’est forcée et aujourd’hui elle déteste ce bouquin. Je comprends parfaitement qu’il peut être difficile de se plonger pleinement dans une œuvre littéraire. Je pense que les lectures imposées dans le cadre scolaire ne sont pas le meilleur moyen de faire apprécier l’action même de lire. Dans mes souvenirs, la lecture de Madame Bovary de Flaubert était indigeste et ennuyeuse. Je l’ai lu, mais c’était bien parce qu’il fallait le faire.

Récemment, j’ai découvert une chaine YouTube intitulée Anne Frank Video Diary. Ce fut tout simplement un coup de cœur, la démarche est une idée complètement nouvelle et originale. En réalité, j’ai été profondément touchée par cette web série. Elle est accessible sur Youtube, depuis le mois de mars de cette année. Réalisée par Every Média, ce sont des petites capsules vidéo, quinze au total, de cinq à dix minutes. Un format très court et plutôt dense. Rappelez-vous : Anne Frank reçoit pour son treizième anniversaire un journal intime dans lequel elle note ses pensées, ses réflexions. Ici, Anne se voit offrir une caméra. Et ce détail, change tout. L’image vacille, se balade entre les mains de Lana Cruz Perez qui incarne le rôle d’Anne Frank. Nous sommes à Amsterdam en 1942, les faits sont les mêmes que le fameux journal intime : Anne se cache du régime nazi, se confie, avec l’innocence d’une enfant. Elle nous montre, à travers son appareil, son lit, sa fenêtre, ses effets personnels, sa cachette. Une innocence interrompue par des sirènes hurlantes hors champ, un dialogue sans réponse quand la petite cherche des réponses auprès de ses parents.

Et bien évidemment j’en ai parlé autour de moi, notamment à ma tendre et douce cadette, vous vous en doutez. D’abord, j’ai récolté de l’ignorance de sa part, avec son regard dédaigneux qu’elle sait si bien faire. Et puis, avec un peu d’huile de coude et de finesse, j’ai finalement réussi à susciter chez elle une petite flamme de curiosité. Nous avons commencé, ensemble à regarder la web série. Elle a adoré. Elle a même été touché, comme moi.

Je trouve formidable cette manière de revisiter les grands classiques de la littérature de jeunesse. Porter son regard sur ce qui entoure l’œuvre permet de s’imprégner du contexte, d’avoir une compréhension beaucoup plus aiguisée du récit qui se déroule dans le livre.

Cette web série est révélatrice d’une tendance qui tend à se diffuser de plus en plus. Les réseaux sociaux sont des acteurs essentiels dans la communication et dans la diffusion à grande échelle. Les contenus pédagogiques et culturels se multiplient. Il s’agit en réalité de modifier le contenu dans sa forme tout en gardant son fond. Les héritages culturels s’adaptent à ces nouveaux moyens de diffusions pour permettre une diffusion plus large d’un contenu accessible et facilement partageable. Les jeunes utilisateurs cherchent une transmission d’information loin des manuels scolaire, en se sentant concernés. Les réseaux apparaissent alors comme une manière de réunir différentes identités socio-culturelles sous une même perspective.

Au final, ma petite sœur vient tout juste de finir le journal d’Anne Franck, pour la seconde fois, seule, sans contrainte. Et moi, j’en ai profité pour relire Madame Bovary, par pur plaisir.


Sources

[Article] La révolution des médias sociaux : Une approche par la culture, Marketing Grandes Ecoles et Universités, N°14, 2013.

[Livre électronique] LE GUERN Philippe, Réseaux et la culture : Des médias traditionnels à la numérimorphose des goûts et des usages, 2014.

[Livre électronique] FENOGLIO Prisca, Appartenances culturelles et rapports à la présence sociale sur les réseaux sociaux numériques, Sciences de l’Homme et Société, 2017.