Instagram : Nouvelle galerie d’art 2.0 ?

Instagram :

Nouvelle galerie d’art 2.0 ?

La dernière fois, je vous ai parlé d’intime, d’érotisme, de chaos et de noirceur. Je vous ai présenté deux artistes découverts récemment sur les réseaux sociaux. Et aujourd’hui, j’aimerais aller un peu plus loin sur ce sujet. Il serait intéressant de se pencher sur les réseaux sociaux de manière générale. Rappelez-vous, je vous l’ai déjà écrit : mes principales trouvailles, ces derniers temps, ont lieu sur la toile. Pourrait-on aller jusqu’à considérer qu’Instagram, Facebook et Youtube sont devenus les nouvelles galeries 2.0 ? Des lieux dématérialisés de partages, de rencontres et d’échanges dans le milieu artistique ?

La visibilité apportée par les réseaux sociaux dans les domaines culturels cassent les codes et changent l’ordre des choses. Un artiste, toutes disciplines confondues, peut basculer dans la célébrité en un rien de temps. Défendre son travail auprès de galeristes et professionnels du monde de l’art n’est plus une action essentielle. Ceux qu’il faut séduire désormais, ce sont les mordus des réseaux, ceux qui scrollent leurs écrans et qui s’arrêtent de manière quasiment intuitive sur des visuels correspondant à leurs goûts. En tant que spectateur, on cherche le beau, le sensationnel, la mise en scène presque parfaite de la création d’image. Si les codes sont respectés et que le contenu séduit, les artistes se retrouvent propulsés sur le devant de la toile. Petite Luxures en est l’exemple même !

Les galeries ne sont pas pour autant laissées sur la touche. Les réseaux sociaux présentent également des avantages considérables pour ces dernières. Avec ces outils de communication, il est évident que trouver des collectionneurs et augmenter les ventes est plus aisé. Ce que l’on constate cependant, c’est que les galeristes et les artistes bénéficient des mêmes avantages. Les galeries d’art n’apparaissent plus comme un passage obligatoire pour obtenir une forme de reconnaissance. Une étude menée par Hiscox en 2018 montre que 79% des acheteurs d’œuvres de moins de 35 ans utilisent Instagram pour découvrir de nouveaux artistes. Et conclure une vente en ligne est bien évidemment plus intéressant tant pour l’artiste que pour l’acheteur : tous deux évitent la commission que prend la galerie sur la vente.

En revanche, je ne pense pas que l’on puisse considérer qu’un feed Instagram puisse remplacer entièrement une exposition et la matérialité d’une œuvre dans une galerie. Disons qu’aujourd’hui, c’est un allié imparable pour mener une communication à bien. Peut-être que dans quelques années les galeries n’existeront que sur la toile… qui sait ? Je vous laisse méditer sur cette pensée. En France, nous nous rendons probablement moins compte, de l’importance des réseaux sociaux dans le champ artistique. A la différence des États-Unis où l’achat numérique d’œuvres est clairement démocratisé, la pratique semble s’inscrire lentement dans la mentalité des français. En tout cas, le constat est là : l’art est partout, mais surtout dans nos téléphones, 24h sur 24.

Il y a aussi des artistes qui basent leurs pratiques sur, et pour les réseaux sociaux. Oui, Instagram peut véritablement venir nourrir un processus créatif. Le nom de Richard Prince ne vous dit rien ? Non !?

Richard Prince est un artiste qui collectionne les scandales. Sa dernière exposition regroupait des œuvres qui étaient en réalité de simples captures d’écran de posts Instagram. Son travail repose essentiellement sur l’action de reprendre des photographies déjà existantes, avec un commentaire et d’en faire une exposition. Concernant ces fameuses captures d’écran sur Instagram, l’exposition a eu lieu à New York en 2014. La seule modification est donc simplement l’ajout d’un commentaire de l’artiste sur la toile. La question des droits à l’image est au centre de la controverse, vous vous en doutez bien.

J’aimerais aussi vous parler du travail d’Ines Alpha pour clore cet article. Elle aussi base sa pratique artistique sur l’utilisation des réseaux sociaux. De son vrai nom Inès Marzat, c’est une artiste 3D et directrice artistique parisienne. On peut parler de véritable maquillage numérique, qu’elle à d’abord commencé à créer pour des marques. Elle réussi à nous entrainer dans un univers futuriste et hybride avec ses masques qui viennent se coller sur nos visages à travers l’objectif. La participation directe du spectateur, qui devient acteur de ces œuvres d’arts dématérialisées séduit le public.

Les réseaux sociaux et Instagram génèrent de nouvelles mutations dans le milieu de l’art contemporain. Ils permettent l’émergence de nouveaux artistes, l’invention de nouvelles techniques de créations, et semblent, peut-être impliquer d’avantage le public dans sa globalité. Des transformations qui tendent à s’inscrire dans nos habitudes et dans le paysage artistique mondial.


[Article] FOURMENTRAUX Jean-Paul, Net Art, n°88, Le seuil, cairn, 2011.

[Article] PRAX Jean-Yves, Les réseaux sociaux changent la donne, L’Express, N°139, cairn, 2010.

[Site internet] Richard Prince

[Site internet] Inès Alpha