Sortir du Labyrinthe
Mon année de terminale a été la première année de ma vie marquée par le stress post bac « je fais quoi, je vais ou ? », l’angoisse. J’ai choisi l’histoire de l’art parce que j’ai paniqué en réalité. Bon par chance, ce fut un réel coup de cœur pour cette matière et ça m’a rajouté 3 ans supplémentaires avant de choisir un éventuel métier, 3 années pour réfléchir tranquillement. Donc moins de pression, plus de temps. Cette panique, vous la connaissez certainement. Et puis les 3 années passent… et on est toujours un peu paumé à la sortie. Ou vous connaissez aussi certainement ces moments de gêne, quand vous dites que vous faites des études dans le domaine de l’art et qu’on vous répond :
« mais c’est un secteur complètement bouché…c’est pour faire quoi après ? »
A chaque fois que j’entends cette question, j’ai l’impression de devoir justifier mes études, comme si elles semblaient caduc, dès le départ.
Les clichés sur les études, je les subis depuis mon baccalauréat aussi. J’ai fait un bac L, vous vous rappelez sûrement des clivages entre les sciences, l’économie sociale et les lettres. Bon, j’ai fait partie du clichés des nuls en maths qui ont pris la vie de secours pour finir au chômage a ce qu’on dit. A l’université, c’est toujours la même chose. Que vous soyez en lettres, en histoire ou en histoire de l’art, vous n’avez pas d’avenir aux yeux de certains.
En tout cas, j’aimerai apporter une vision optimiste sur ces croyances, celle qui affirme qu’à part être artiste ou artisan, les études d’arts non pas d’avenir.
Oui, c’est un secteur complexe dans lequel les places sont chères, mais on peut y trouver pleins de métiers, qui n’appartiennent pas seulement au monde de l’art mais qui s’hybrident avec d’autres domaines.
Les chercheurs en histoire de l’art, les commissaires-priseurs, galeriste, attaché de presse d’un artiste, les régisseurs d’œuvres d’arts, journalistes spécialisé, courtier en art, responsable de mécénat…Donc oui, il existe une multitude d’acteur dans le milieu de l’art contemporain. Il n’y a pas que la médiation, l’enseignement ou la pratique, non.
Le premier métier avec lequel on a une approche directe à l’université, c’est bien sûr le métier d’enseignant chercheur. Ce sont nos profs, qu’on voit tous les jours ! En première année, je savais qu’il fallait faire une thèse pour devenir comme eux (ça ne paraissait pas si complexe dans ma tête) et je n’étais pas la seule, j’ai le souvenir d’avoir rencontrée beaucoup d’étudiant de première année qui souhaitent aussi se lancer dans une thèse en y voyant une situation professionnelle stable. Enfin ça, c’est au début. Et puis on rencontre des thésards qui nous parle de la bourse doctorale très peu accessible, d’une baisse des places en doctorat, de cinq ans de misère financière, de ceux qui lâchent, de ceux qui partent, d’en faire toujours plus, même si ce ne sera jamais assez. En 2015, 38% seulement sont rémunérés en sciences humaines et sociales. Et sur l’ensemble des thèses délivrées en 2015, les sciences humaines ne représentent que 20% ce qui est très peu.
Sans compter sur l’insertion professionnelle qui est très difficile. Les portes apparaissent comme fermées, verrouillées à doubles tours.
Alors oui, le monde culturel de manière large ne propose pas des CDI à tous les coins de rue, je ne vais pas dire le contraire, je panique déjà à l’idée de m’insérer professionnellement dans ce secteur. Les places sont chères. Je suis tombée sur une étude de 2016 réalisée par le journal des arts. L’article s’appuie sur une enquête du ministère de la Culture, trois ans après l’obtention de leurs diplômes, 86 % des titulaires d ‘un master délivré par les établissements de l ‘ enseignement supérieur culturel ont un emploi rémunéré. Les clichés sur les écoles supérieures d’ art n’ont qu’à bien se tenir. Ce n’est pas la même chose pour toutes les filières mais vouloir construire son avenir professionnel dans le monde de l’art n’est pas synonyme d’échec social et professionnel.
Les chiffres évoluent d’année en année évidemment, et l’insertion peut s’avérer complexe, délicate, mais pas impossible.
Et puis, il y a un autre élément qui peut redonner espoir aux étudiants désespérés ou angoissés, comme moi face à un futur incertain. La culture et l’art contemporain, est un univers ou les métiers évoluent rapidement, s’hybrident et se réinventent. Comme le statut de critique d’art et le travail de curateur, un métier très récent. Elle est toute jeune cette profession. Ce sont des commissaires d’expositions, des acteurs essentiels du monde de l’AC. Ils ont pour rôle d’organiser des expositions en apportant un point de vue bien défini sur le monde d’aujourd’hui.
Il apparaît dans les années 1960, je vous ai dit que les années 1960 étaient des années florissantes pour l’art. Curateur. C’est un anglicisme qui signifie littéralement « celui qui prend soin » je trouve ça beau. Ce sont des électrons libres mais connaissent malheureusement une grande précarité. Le problème, c’est que dans ce secteur, il faut avoir de nombreux talents pour avoir une chance de se faire repérer dans le milieu. Qu’ils s’agissent d’enseignant, des régisseurs, conseiller de collection ou même critique et curateur.
J’ai cette impression qu’il n’y a pas de chemin défini. Il faut toucher à tout, avoir le plus possible de corde à son arc.
Et ses gammes musicales, pas le temps de les travailler en entrant sur le marché du travail. Il faut en parallèle des cours, des masters, des licences, à coté des examens et des multiples projets pour les travailler, les forger au maximum…avec toujours cette épée de damoclès au-dessus de la tête :
« Si je n’en fais pas assez, ça ne marchera pas ».
Cet aspect me dérange. On dirait parfois qu’il suffit seulement d’en faire au maximum, d’avoir une liste interminable d’expériences pour réussir. Sans compter sur la reconnaissance de nos aînées que l’on cherche à obtenir par tous les moyens. Être approuvé par le système qui nous a ouvert les bras et qui nous lâche la main bien trop tôt.
Pour les néophytes, cela doit être complexe. Déjà comprendre simplement le sens d’une œuvre d’art nécessite un effort important, alors comprendre le monde de l’art…n’en parlons pas. J’ai toujours cette image du labyrinthe final dans Shining, quand j’imagine l’ensemble du monde de l’art dans sa globalité. Dans lequel je fuis un homme effrayant et sa hache, en plus de devoir trouver une issue favorable à mon avenir professionnel.
Il ne faut pas lâcher. Ne pas flancher, ne pas céder face à cette pression. Malgré la peur, l’épuisement et le stress de ce futur qui approche à grand pas. Et surtout, il faut de la passion. Je pense que c’est la clé de tout, pas seulement aimer le monde de l’art pour vouloir y entrer, être tellement absorbé et fasciné par lui, que l’éventualité d’échouer s’éloigne d’elle-même.
Le pire dans tout ça, c’est que nous devons sans cesse trier les informations que nous recevons durant nos études. Mais comme le disait Paul-Emile Victor :
« La seule chose qu’on est sûr de ne pas réussir est celle qu’on ne tente pas. »