La parole des sages
Prof N°1, 1ere année d’université : Pour faire une bibliographie, il faut d’abord mettre le nom de l’auteur, son prénom ensuite puis le titre du recueil entre guillemets, la date et le nom de l’édition.
Prof N°2, 1ère année d’université : Pour faire une bibliographie, il faut d’abord mettre le nom de l’auteur en gras, son prénom, le titre du recueil en italique, le nom de l’édition et seulement à la fin, la date.
Prof N°3, 2ene année d’université : Pour faire une bibliographie, il faut classer les références par ordre alphabétique.
Prof N°4, 3eme année d’université : Pour faire une bibliographie, il faut classer les références par type de sources.
Pour faire une bibliographie, faite comme vous voulez tant que c’est cohérent. Prof N° 234, millième cours de méthodologie universitaire.
Ici, ce n’est pas à chaque podcast sa problématique, c’est plutôt à chaque enseignant, sa méthode pédagogique. Sa pensée, son avis et sa manière de faire. Je pense que j’ai passé plus de temps à essayer de correspondre aux attentes des professeurs plutôt qu’à réellement comprendre les différentes méthodologies. Et ici, on parle seulement de méthodologie de références de bouquins. Ce sont les mêmes problèmes pour la méthode de commentaire de texte, de dissertation, de description d’image. Alors je vous laisse imaginer quand il s’agit directement de point de vue sur un sujet qui fait débat.
En étude de lettres, j’ai eu une enseignante de langue médiévale. On a abordé avec elle la notion d’écriture inclusive. Juste au terme « écriture inclusive » son dos se redresser, poil hérissé comme un chat prêt au combat, ses yeux lançaient des éclairs et dans un souffle de retenu, elle crachait, sèchement : « C’est n’importe quoi. Ce n’est pas français. Vous voulez de l’égalité entre les noms masculins et féminins ? Vous utilisez des noms épicènes. Un point c’est tout » Et le cours suivant, un jeune professeur nous tenait un discours sur les bienfaits de l’écriture inclusive et qu’il faudrait peut-être que nous commencions à penser à l’utiliser dans nos copies d’examen et dans notre mémoire.
« Hé bien monsieur, moi je veux bien utiliser l’écriture inclusive, mais si c’est madame le Chat qui corrige mon rendu final, je ne suis pas très sûr d’obtenir une bonne note ».
Rapidement, on se rend compte qu’il faut arrêter de considérer les professeurs comme des grands sages, des incarnations de la pure vérité. Garder son esprit critique, avec l’ouverture d’esprit d’écouter chaque point de vue et nécessaire. Quand on entre dans des sujets de débat plus subtil, plus complexe, les choses se corsent et rapidement on se perd ou pire, on est déçu. Il y a de grandes différences de pensée et de nombreux débats dans le monde de l’art contemporain surtout à travers les différents domaines et les différentes professions de ce même monde.
La crise de l’art
On peut par exemple parler de la crise de l’art contemporain qui illustre bien cette cacophonie dans laquelle on se perd. Cette crise de l’art Contemporain surgit dans les années 1990. La crise de l’art contemporain s’impose à l’ensemble du milieu. La vision binaire jusqu’ici existante qui oppose l’art moderne et l’art contemporain s’effondre et les remises en question se multiplient.
Cette crise de l’art est restée en coulisse un long moment. Elle est devenue publique fin des années 1990, deb 2000. Et celui qui met le feu aux poudres, c’est Jean Baudrillard en 1996. Il publie dans le quotidien de Libération un texte sur l’art contemporain. Il avait crié tout haut ce que tout le monde pensait tout bas. Il mettait en cause la médiocrité de la création et du monde de l’art dans son ensemble. Le monde de l’art s’offusque, le public est intrigué.
Et puis viennent les années 2000. Yves Michaud pointe du doigt les outils comme le positif, l’Ideal, le beau comme des outils de propagande. Quand l’art cherche l’harmonie, il est faux. Il n’a jamais été outil de communication -alors qu’il devrait l’être- ce devrait être un ciment social et ce n’est qu’un vulgaire outil. L’utopie du progrès n’aurait jamais dû être associée au lit des idéologies totalitaires. La contestation de l’ac est toujours là. Nous sommes en train de vivre une nouvelle rupture dans le monde de l’art. Une rupture communicationnelle forte.
Les chercheurs débattent entre eux, les débats sont vifs concernant les fondements de l’art. Il y a des désaccords importants. Je vous l’ai dit, c’est un sujet qui est déjà traité depuis un moment dans la communauté scientifique. Pour vous résumer cela de manière simple, on peut considérer qu’il y a 3 grands types de réactions :
La réaction des critiques d’art
Ils s’alarment sur l’existence d’une bureaucratie, d’une administration abusive dans le monde de l’art contemporain. D’autres critiques d’art étudient la contre culture en pensant que la solution à cette crise s’y trouve sûrement, étant donné que l’art de la contre culture n’est pas marqué par une gestion abusive de l’État. Ils s’appliquent à mettre en avant les différences et les malentendus entre l’art Français et américain par exemple. Globalement, les critiques d’art remettent en question les mythes fondateurs de l’art contemporain en soulignant l’absence de règles et de critères d’appréciation. Il faut dire que le rôle du critique d’art est nettement différent et a perdu, j’ose le dire, de sa valeur initiale.
La réaction des Théoriciens
Leur réaction est plus ou moins opposée à celle des critiques d’art. Les théoriciens ne remettent pas en question l’essence même de l’art contemporain. Ils proposent d’améliorer sa théorie et ses bases. En revanche, ils sont d’accord avec les critiques d’art sur un point. Celui d’une intervention trop présente dans l’état dans le domaine artistique et un manque de critère d’appréciations. En d’autres termes, ils veulent moraliser l’Art Contemporain. Ils sont d’accord sur la disparition du caractère révolutionnaire de l’œuvre d’art.
La réaction des sociologues
Elle se situe entre les deux camps, entre les critiques d’art et les théoriciens. La réaction des sociologues est un peu plus distante et objective. Ils révèlent et traduisent les métamorphoses du milieu de l’Art Contemporain par des chiffres et des analyses, il s’agit simplement de poser le constat de l’évolution du milieu. Ils participent au dévoilement de la vérité cachée du milieu, leurs analyses sont ensuite utilisées par les autres scientifiques pour l’élaboration d’un argumentaire permettant de proposer des solutions.
Certains approuvent la vision de certains penseurs des années 1990, d’autres les considères comme populiste. Je me souviens encore de cette femme, qui m’avait dit « pour apprendre à lire, il faut connaitre l’alphabet. Hé bien pour l’art contemporain, c’est la même chose, il faut connaître l’histoire. » Soit, mais quand on va au théâtre, à l’opéra, au cinéma, voir un spectacle de danse ou que nous écoutons de la musique, il y a plusieurs strates de lectures, de la plus simple à la plus complexe. Mais à la fin de l’expérience, tout le monde repart avec une pensée, quelque chose en plus. Malheureusement, je trouve que ce n’est pas toujours le cas de l’art contemporain.
Il y a deux manières de faire de la critique d’art. La première a un caractère assez neutre, elle consiste à observer et décrire les phénomènes succinctement. C’est une critique dite froide, qui est gardienne de l’art. Et puis il y a la critique dite chaude et là on trouve deux écoles : soit les critiques qui vouent un amour inconditionnel à l’art contemporain, soit l’école qui combat l’art contemporain (on passe dans l’affirmation d’une idéologie). On peut par exemple parler de Christine Sougins, qui condamne fermement l’art contemporain et qui a une pensée plutôt protectionniste de l’art. Elle critique l’absurdité du système de production, sur la notion de sacré de l’art. Sa pensée est intéressante mais elle est plutôt extrême, à prendre avec des pincettes.
Avec tout ça, comment s’y retrouver ? qui écouter ? et surtout comment écouter ? Faut il absorber toutes les pensées, comme une éponge ou les trier soigneusement sans les occultés ? C’est une grande ligne de crête qui nous demande de rester en équilibre constante, sans se perdre. Peut-être faut-il s’imposer, mais cela relève d’une confiance en soi infaillible. Mais les failles indéniablement, nous constituent.